Page:Coupin - Essai sur J. L. David, peintre d'histoire, 1827.djvu/20

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en 1787 à la demande de M. de Trudaine, qui périt, avec son frère, pendant le cours de notre révolution. Le sage par excellence vient prendre un bain, et s’est replacé sur son lit de mort ; le valet des Onze, en lui présentant la coupe funeste, détourne la tête qu’il cache dans l’une de ses mains : le bourreau lui-même a horreur de l’injustice dont Socrate est la victime. Platon[1], placé au pied du lit, et qui, jusque-là, avait recueilli ses dernières paroles, se retourne et reste abîmé dans ses douloureuses réflexions. La douleur la plus vive s’est emparée de tous les assistans, et se manifeste d’une manière aussi vraie que variée ; mais le philosophe, resté calme, étend une main vers la coupe et lève l’autre vers le ciel. Criton semble frappé d’admiration ; sans doute Socrate vient d’annoncer qu’il espère des dieux une récompense immortelle. S’il est permis de douter, par ce qui nous a été transmis de la doc-

  1. On sait par le dialogue intitulé Phedon, que Platon n’assista pas aux derniers momens de Socrate : il était malade. Cependant, c’est principalement par ce même dialogue que nous connaissons les diverses circonstances qui précédèrent la mort de son maître, et les doctrines qu’il professa, au moment où il allait quitter la vie. Il est vrai qu’il est difficile de reconnaître dans ces doctrines ce qui appartient réellement à Socrate, d’avec ce que Platon y a mêlé de ses propres opinions ; mais enfin on pardonnera d’autant plus facilement au peintre d’avoir supposé que Platon était venu recueillir les dernières paroles de Socrate, que c’est Platon qui nous les a conservées, et que cette supposition lui fournissait les moyens d’introduire une belle figure dans son tableau.