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LES COMMERÇANTS ET LES CORPORATIONS

il y a une différence de rang hiérarchique, mais pas de condition sociale. L’aristocratie des gérants sort, par la sélection du mérite, des rangs inférieurs de la population marchande ; elle ne lui est pas étrangère, elle a même éducation, mêmes habitudes, même langage, même costume. La communauté du culte rendu à l’esprit protecteur de la boutique par les chefs et par les subalternes, les banquets semi-rituels, que tous partagent plusieurs fois dans l’année, les étrennes qui sont données, sont autant d’expressions du lien d’union, bien plus fort qu’un simple contrat. L’autorité des uns sur les autres est toujours tempérée par cette bonhomie, cette simplicité patriarcale qui règne partout en Chine entre gens de même classe, par cette modération des manières due à la pratique invétérée des rites, par ce souci de maintenir l’égalité entre gens de même rang qui n’est pas tant inné au supérieur que bien plutôt imposé par un vif sentiment de justice de la part des inférieurs. Ainsi mitigée, l’autorité des chefs n’en est pas moins très grande : j’ai dit que sur les apprentis elle remplace et elle égale presque l’autorité paternelle. Elle est moindre à l’égard des commis, qui sont engagés librement, habituellement pour une année, de douzième lune en douzième lune ; elle est cependant réelle, car l’obligation du respect, de l’obéissance de l’inférieur au supérieur est, dans toutes les relations sociales, admise avec une force inconnue en Europe.

Sauf le cas de violences graves, de vol (et même alors pas toujours), il n’est pas d’autorité qui s’interpose entre patrons et commis ; la corporation des patrons n’intervient pas habituellement dans les questions de personnel purement intérieures, propres à chaque maison ; les commis ne forment pas d’association, n’ont pas de lien entre eux ; les rapports