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ENSEIGNEMENT COLONIAL ET COURS DE CHINOIS

Mais, dira-t-on, la langue chinoise a un grand nombre de dialectes dont quelques uns sont presque des langues à part. Cela est vrai ; mais il y a la langue commune, que parlent partout les personnages officiels et leur entourage, qui, sous diverses formes très voisines, est la langue des trois quarts de la Chine et spécialement du Koang-si, du Yun-nan, du Seu-tchhoan, les provinces les plus proches du Tonkin, celles qui sont naturellement ouvertes au développement de notre commerce, de notre industrie ; et si celui qui sait la langue commune ne comprend pas le cantonais par exemple, du moins les deux idiomes sont assez voisins pour qu’en peu de mots il puisse se mettre au courant du second. Il faut ajouter que partout la langue écrite est la même. Mais dira-t-on encore, le chinois, la langue écrite surtout, ne se peut apprendre, il y faut la vie d’un homme : le lettré qui se présente aux examens à soixante-dix ans, ne la connaît pas encore à fond. Peut-être ce lettré que l’on me cite n’est-il pas des plus forts parmi ses pareils, car on voit des candidats heureux de vingt ans et même moins. D’ailleurs il ne s’agit pas de passer les examens en Chine et la multitude de connaissances historiques, littéraires, prosodiques, philosophiques qu’il y faut montrer, ne serviraient de rien à nos commerçants et à nos ingénieurs ; les marchands, les artisans, le peuple chinois n’en ont qu’une teinture superficielle et ils parlent, ils écrivent dans une langue simple, nette, qui est aussi celle des lettrés et des mandarins dans la vie habituelle, dans les questions d’affaires. Cette langue pratique, on en peut en deux ans de travail, à raison de peu d’heures par semaine, acquérir une connaissance suffisante. Il ne faut donc pas que l’étude du chinois soit un épouvantail ; bien des gens l’ont appris, et qui n’étaient pas exceptionnellement doués ; c’est par suite d’un malentendu que l’on parle ici d’impossibilité, il n’y a qu’une certaine difficulté. Le mot impossible n’est pas français ici, pas plus qu’ailleurs.

Il ne faut pas qu’un pareil malentendu subsiste : car de telles erreurs paralysent les bonnes volontés et rendent plus difficiles et plus rares les initiatives fécondes comme celle dont je viens d’entretenir le lecteur. Depuis peu de mois que ces cours sont ouverts, dans le courant de l’année, l’intérêt du public a été croissant, les auditeurs ont été de plus en plus nombreux, ils ont demandé des renseignements, se sont inquiétés d’utiliser les connaissances acquises ; malgré les tâtonnements propres à tout début, le succès ne saurait faire de doute ; l’expérience montrera rapidement combien cet enseignement colonial correspond aux nécessités présentes et dans quel sens il devra être développé.

Maurice Courant.

Laval. Imprimerie parisienne, L BARNÉOUD & Cie.