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la revue de paris

pas en un tout vivant. On peut faire cette remarque non seulement à propos du théâtre, mais aussi bien pour la littérature en général ou pour les arts plastiques ; et c’est en raison de cette demi-incapacité que le théâtre, né si tard et sous des influences extérieures, a conservé un caractère inachevé et flottant et a rapidement disparu. Je veux dire, du moins, que sa fécondité s’est tarie avec la recrudescence de vie purement nationale qui a marqué la chute de la dynastie mongole. Le théâtre n’a pas sa place dans la civilisation confucianiste qui l’a précédé de plus de mille ans : c’est là un vice rédhibitoire, puisque le système des philosophes orthodoxes a pris la valeur d’un dogme et a pénétré toute la vie chinoise ; d’ailleurs ce système est essentiellement moral, et toute morale tant soit peu austère a pour le moins quelque méfiance à l’égard du théâtre et des acteurs. De là la mince estime où l’un et les autres sont tenus par les gens bien pensants, et il n’est presque personne en Chine qui ne veuille au moins paraître orthodoxe et bien pensant : c’est ainsi que même les auteurs dramatiques, frappés comme tous les hommes instruits de l’empreinte confucianiste, l’ont transmise à leur œuvre, bon gré, mal gré.

Cependant la vie ne se conforme pas toujours au dogme : le confucianisme sans rémission semble austère à plus d’un parmi ceux auxquels l’argent donne des loisirs, et, d’autre part, le peuple n’a cure des théories ; les riches et les pauvres laissent donc dire les moralistes, fréquentent le théâtre plus ou moins ouvertement et offrent même la comédie aux dieux afin de les réjouir.

maurice courant