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la revue de paris

salles ; celles qui existent datent, m’a-t-on affirmé, du xviie siècle.

Extérieurement, les théâtres ne se distinguent par aucune particularité de construction, par aucune ornementation intéressante : des murs faits de briques grises ou recouverts d’un enduit de couleur passée, une porte en bois tout ordinaire, pas d’enseignes dorées et sculptées, comme en ont tant de magasins ; à la porte, on lit quelques affiches manuscrites donnant les titres des pièces qui seront jouées ; des affiches pareilles sont collées dans les endroits fréquentés de la ville.

À l’heure de la représentation, on voit dans la salle et autour du théâtre un public d’habitués : les uns sont des lettrés, amateurs assidus connaissant le répertoire et cherchant principalement un plaisir littéraire — souvent ils sont peu fortunés et, négligeant leurs études, malheureux aux examens, mal notés de leurs supérieurs, ils restent, quand ils y atteignent, dans les postes subalternes ; — les autres sont des mandarins riches et déjà de grade élevé, et aussi des fils de famille qui veulent s’amuser et fréquentent les acteurs pour leur esprit, par désœuvrement ou par mode. Ce monde des théâtres, acteurs, lettrés, amateurs riches, se meut sur un terrain neutre, en dehors des liens de la famille, étranger aux rapports officiels entre mandarins et aux relations d’affaires entre commerçants ; la place de chacun n’est pas fixée par les rites, les gestes et les paroles ne sont pas réglés à l’avance ; il y a là moins de formalisme que partout ailleurs, mais non moins de bon goût et souvent plus d’élégance. Cette société, autant que toutes les autres fermée aux étrangers, est sans doute ce que la Chine possède de plus semblable à ce que nous appelons le « monde » ; on n’y entre que par goût personnel, pour le plaisir de se divertir avec des gens d’esprit ; encore faut-il y être admis par les initiés. On y fait bonne chère, on y joue, on s’y amuse à la mourre ou aux bouts-rimés, inévitables. Accompagnements de tous les banquets. Acteurs et amateurs rivalisent de prodigalité, de luxe dans les vêtements : c’est là que se décident ces légères variations dans le costume et dans la coiffure, qui répondent à ce qu’est la mode en Europe. La prostitution féminine reste discrète, car la femme est toujours tenue à l’écart ; mais la prostitution masculine s’étale au grand jour :