Page:Courier Longus 1825.djvu/140

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l’arbre, atteignit la pomme qu’il cueillit et la lui porta, et la voyant mal contente, lui dit telles paroles : « Cette pomme, Chloé ma mie, les beaux jours d’été l’ont fait naître, un bel arbre l’a nourrie ; puis mûrie par le soleil, fortune l’a conservée. J’eusse été aveugle vraiment de ne la pas voir là, et sot l’ayant vue de l’y laisser, pour qu’elle tombât à terre, et fût foulée aux pieds des bêtes, ou envenimée de quelque serpent qui eût frayé au long ; ou bien demeurant là haut, regardée, admirée, enviée, eût été gâtée par le temps. Une pomme fut donnée à Vénus comme à la plus belle ; tu mérites aussi bien le prix. Ayant même beauté l’une et l’autre, vous avez juges pareils. Il étoit berger lui ; moi je suis chevrier. » Disant ces mots, il mit la pomme au giron de Chloé, et elle, comme il s’approcha, le baisa si soevement, qu’il n’eut point de regret d’être monté si haut, pour un baiser qui valoit mieux à son gré que les pommes d’or.