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CHAPITRE V.
DE LA CARTE RELIGIEUSE DE L’EUROPE, À LA SUITE
DE LA RÉFORME.

Si la carte religieuse de l’Europe était en grand ce qu’est en petit la carte religieuse de la Suisse, de la Souabe et de l’Alsace, il ne faudrait voir dans son tracé que la marque d’accidents fortuits, comme ceux qui ont dispersé çà et là les îles d’un archipel volcanique, en leur donnant des contournements bizarres. L’histoire aurait dit son dernier mot, quand elle aurait rapporté les menues circonstances, les fantaisies de princes, de seigneurs ou de bourgeois, qui ont fait prévaloir, ici la vieille religion, là les opinions nouvelles, parmi des populations d’ailleurs sensiblement homogènes pour le fond des mœurs, du langage et des traditions. Les légères différences qu’on observe actuellement seraient l’effet, non le principe de la diversité des cultes ; et l’on trouverait là un remarquable exemple de ces distinctions destinées selon toute vraisemblance à ne s’oblitérer jamais entièrement, quoique primitivement déterminées par des causes légères, qui n’ont rien d’inconnu ni de mystérieux, et où se montre bien le jeu du hasard.

Ailleurs où la frontière religieuse est devenue une frontière politique, par suite de l’alliance intime de la politique