Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/106

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d’aliments végétaux, ces faits, qui nous démontrent l’influence singulière des milieux ambiants et des habitudes acquises pour modifier, mais seulement dans d’étroites limites, les types organiques, de manière à les approprier à de nouvelles conditions, nous montrent aussi, par l’étroitesse même des limites et l’imperfection organique des produits, toute la différence qu’il faut mettre entre de telles influences extérieures et la vertu plastique qui procède du type même de l’organisation et de ses coordinations harmoniques. Autrement, autant vaudrait assimiler les callosités que la fatigue habituelle développe après coup, quoique d’une manière constante, précisément sur les parties du derme qui ont besoin de protection, avec les organes mêmes de protection, comme les ongles, les sabots, qui rentrent évidemment dans les harmonies originelles du type spécifique.

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Lorsque le consensus final provient d’influences ou de réactions mutuelles, il n’y a pas ordinairement parité de rôles entre les diverses parties qui tendent à former un système solidaire. L’une des parties joue le plus souvent, en raison de sa masse ou pour toute autre cause, un rôle prépondérant, et il peut même se faire qu’en soumettant les autres à son influence, elle n’en subisse pas à son tour de réaction appréciable. Lorsque les influences ou les réactions mutuelles ne suffisent pas à l’explication du consensus observé, et que la raison se sent obligée de chercher dans la finalité des causes l’explication qui lui manquerait autrement, elle ne doit pas non plus admettre qu’il y ait, en général, parité de rôle, dans l’ordre de la finalité, entre toutes les parties du système harmonique. Là où la finalité est le plus manifeste, comme dans l’organisme des êtres vivants, on ne saurait attribuer une telle parité de rôles à toutes les parties de l’organisme, sans aller contre toutes les notions que la science nous donne sur la subordination des organes et des caractères organiques, qui n’ont ni la même fixité d’un type à l’autre, ni la même importance, lorsqu’on les considère simultanément dans le même type. Ainsi, à l’aspect de l’éléphant, on voit que sa structure massive lui rendait nécessaire cet organe singulier de préhension connu sous le nom de trompe, et qu’il y a par conséquent une harmonie remarquable dans l’organisation de cet animal, entre le développement extraordinaire du nez,