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Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/110

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nous paraîtront pas dériver les unes des autres, ou dériver toutes d’une loi supérieure, par une nécessité purement logique ; tant que nous les concevrons au contraire comme ayant pu être décrétées, séparément, d’une infinité de manières, toutes incompatibles avec la production d’effets harmoniques comme ceux que nous observons, nous serons fondés à voir dans l’effet à produire la raison d’une harmonie dont ne rend pas compte la solidarité des lois concourantes ou leur dépendance logique d’une loi supérieure ; et c’est l’idée qui se trouve exprimée par la dénomination de cause finale. De là il suit que, plus le nombre des lois générales et des faits indépendants se réduira par le progrès de nos connaissances positives, plus le nombre des harmonies fondamentales et des applications distinctes du principe de finalité se réduira pareillement ; mais aussi, plus chaque harmonie fondamentale, prise en particulier, acquerra de valeur et de force probante dans son témoignage en faveur de la finalité des causes et d’une coordination intelligente, puisque nous jugeons nécessairement de la perfection d’un système par la simplicité des principes et la fécondité des conséquences : en sorte que, s’il nous appartenait de remonter jusqu’à un principe unique qui expliquât tout, ce principe unique ou ce décret primordial serait la plus haute expression de la sagesse comme de la puissance suprême. D’ailleurs, il doit être bien entendu que les considérations dont il s’agit dans ce chapitre ne s’élèvent point à une telle hauteur. Nous n’avons en vue que l’interprétation philosophique des phénomènes naturels, à l’aide des lumières de la science et de la raison, en tant qu’elle ne franchit pas le cercle des causes secondaires et des faits observables. Nous ne recherchons point comment, dans les détails mêmes livrés au jeu des combinaisons fortuites, il peut y avoir une direction suprême, ni comment, dans un ordre surnaturel vers lequel il est aussi dans la nature de l’homme de tendre par le sentiment religieux, le hasard peut être, jusque pour les faits particuliers, le ministre de la Providence et l’exécuteur de ses décrets mystérieux (36). Nous aurons encore moins la témérité de rechercher quelle est la fin suprême de la création ; la finalité que nous ne pouvons méconnaître dans les œuvres de la nature est une finalité, pour ainsi dire, immédiate et spéciale,