Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/13

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Quel que soit l’objet ou le phénomène que nous voulons étudier, ce que nous en saisissons le mieux, c’est la forme : le fond ou la substance des choses est pour nous plein d’obscurité et de mystères. Heureusement, notre ignorance sur le fond ou sur la nature intime des choses n’empêche pas qu’on ne puisse suivre, par le raisonnement, toutes les propriétés qui tiennent à une forme dont nous avons l’idée nette et bien définie. Ainsi, quoique nous ne possédions que des notions très-imparfaites sur la constitution des corps solides et fluides ; quoiqu’on n’ait pas encore bien expliqué comment, par un jeu d’actions moléculaires, la nature réalise les types ou les formes physiques de la solidité et de la fluidité, il suffit que ces types se prêtent à une définition précise et mathématique, pour que les géomètres aient pu découvrir dans les corps solides et fluides, en repos et en mouvement, une foule de propriétés qui ne tiennent qu’aux définitions abstraites de la solidité et de la fluidité, et dont l’étude ne suppose point la connaissance préalable des moyens cachés que la nature emploie pour produire un cristal ou une goutte d’eau, et pour faire ainsi tomber sous nos sens les types abstraits de la liquidité et des formes cristallines.

De même, quoique nous soyons encore loin de connaître la nature intime du principe de la lumière, malgré tous les progrès qu’ont fait faire à la science de l’optique les travaux