Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/150

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propre à mesurer les variations de température, mais un instrument indicateur, propre à accuser l’existence de ces variations, ou ce que les physiciens nomment un thermoscope. En plaçant le thermoscope à des distances diverses du corps incandescent, en mettant un écran entre ce corps et le thermoscope, en interposant des milieux de diverse nature, des miroirs ou des lentilles à foyer, en recouvrant la boule de divers enduits, on constaterait que l’action émanée des corps incandescents se transmet dans un temps inappréciable, qu’elle varie d’énergie en raison inverse du carré de la distance, qu’elle est modifiée par l’état de la surface du corps qui la subit, que cette émanation invisible se réfléchit et se réfracte comme la lumière, que certains milieux la transmettent, l’éteignent en partie ou lui refusent tout passage. On remarquerait surtout que des milieux opaques ou imperméables à la lumière sont très-perméables à cette autre émanation dont il s’agit d’étudier les lois ; que par conséquent elle peut être rapportée à un principe analogue à la lumière, qui tantôt l’accompagne, tantôt s’en sépare ; qui paraît en différer à plusieurs égards, et qui suit dans certains cas des lois différentes. En poursuivant cette idée, on arriverait ou l’on pourrait arriver à une théorie de la chaleur rayonnante, qui vraiment ne différerait pas de celle que nous ont donnée les résultats des travaux les plus récents.

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On ne tarderait pas à s’apercevoir que des corps obscurs, exposés pendant un certain temps aux rayons solaires ou aux émanations d’un corps incandescent, agissent aussi sur le thermoscope, jusqu’à ce qu’ils soient graduellement revenus à leur état primitif ; et l’on se confirmerait dans l’idée que le principe de cette émanation doit être, au moins provisoirement, distingué de la lumière, bien que la lumière l’accompagne lorsqu’il est porté à un certain degré d’exaltation. Une induction naturelle, confirmée par des expériences faciles à imaginer, porterait à admettre que tous les corps, même lorsqu’ils n’ont pas été mis en présence de corps incandescents, ou exposés aux rayons solaires, ont une irradiation de même nature, quoique moins intense ; que l’irradiation appartient aussi à la matière du thermoscope, mais qu’il n’y a pas d’effet apparent lorsque ce corps perd autant par rayonnement sur les corps environnants, qu’il reçoit par