Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/204

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pour être moins bien connues, n’ont probablement pas moins d’extension et de généralité, dépendent les grands phénomènes cosmiques, et comme la charpente de l’univers ou les traits fondamentaux du plan de la création. Il faut y rapporter la constitution des systèmes astronomiques, la régularité presque géométrique des mouvements et des figures des astres, tous ces beaux phénomènes qui nous frappent également par leur simplicité et par leur grandeur, et qui ont de tout temps excité à un haut degré l’admiration des hommes : aussi bien dans les âges de poétique ignorance, qu’à l’époque où la rigueur des méthodes scientifiques, la sécheresse des calculs et des formules semblent ne plus laisser de place aux émotions de l’âme et à la pompe des images. D’autres phénomènes viennent se subordonner à ceux-là, comme les détails et les ornements d’un dessin aux traits généraux qui caractérisent les mouvements et les attitudes, comme les variétés spécifiques et individuelles aux grands caractères qui marquent le type d’un genre ou d’une classe. Ce sont les phénomènes que nous nommons moléculaires, parce que nous n’avons d’autre manière de nous en rendre compte que d’imaginer la matière dans un état d’extrême division qui dépasse de bien loin les limites de la perception sensible, et de comparer ce qui se passe entre les dernières particules aux actions qu’on observe entre les corps dont les dimensions et les formes tombent sous nos sens. Mais, quoi qu’il en soit de cette hypothèse, quelque raison qu’on veuille assigner à ce par quoi les éléments des corps diffèrent intimement et chimiquement, il y a là une cause de distinction spécifique qui, en se joignant aux propriétés générales de la matière, d’où résultent les grands phénomènes cosmiques, donne naissance à des phénomènes d’un autre ordre, plus compliqués, plus particuliers, moins stables ; et, dans cette complication même, la nature procède graduellement : de manière que, plus s’accroît la complication des combinaisons chimiques, moins elles offrent de permanence et de stabilité, plus les phénomènes auxquels elles donnent lieu sont particuliers, mobiles et pour ainsi dire éphémères. Hâtons-nous cependant de le dire : ces inductions qui ne s’appuient encore que sur la contemplation des phénomènes du monde physique et matériel, abstraction faite des merveilles