Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/212

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l’élément organique le plus simple, un globule, une cellule, témoignent déjà d’un plan de structure et d’une coordination de parties dont on ne pourrait rendre raison par un concours de forces physiques, agissant de molécule à molécule, à la manière de celles que nous admettons pour l’explication des formes des corps inorganiques. À supposer même que la formation des éléments dont nous parlons pût être rapportée à un mode de cristallisation sui generis, on serait arrêté à chaque pas dans le passage à des formations plus complexes ; et l’on ne se trouverait pas plus avancé pour expliquer, par exemple, comment les rudiments des organes se coordonnent et s’associent, en marchant à la rencontre les uns des autres dans la formation de l’embryon par épigénèse, ou comment se régénère le membre amputé de l’écrevisse avec la même forme et les mêmes pièces que le membre primitif. On sent, mieux qu’on ne comprend, qu’en pareil cas la force plastique et l’énergie vitale, loin d’attendre pour agir la formation des organes, loin d’être le résultat et la suite d’une disposition des parties amenés par le concours de forces inorganiques, gouvernent et déterminent au contraire la formation de l’organisme, qui ne cesse pourtant pas de régler et de modifier, à mesure qu’il se développe, les manifestations de l’énergie vitale et plastique. Ainsi, dans l’être organisé et vivant, l’organisation et la vie jouent simultanément le rôle d’effet et de cause, par une réciprocité de relations qui n’a d’analogues, ni dans l’ordre des phénomènes purement physiques, ni dans la série des actes soumis à l’influence d’une détermination volontaire et réfléchie : d’où il suit que nous ne pouvons, ni par les renseignements des sens, ni par ceux de la conscience, nous faire jamais aucune idée, aucune image du principe de ces mystérieux phénomènes. Les fluides vitaux que l’on a quelquefois imaginés, à l’instar des fluides impondérables, admis en physique, n’ont pas même ici l’avantage de déguiser un peu notre ignorance ; et les esprits sévères semblent maintenant s’être accordés pour éviter la superfétation et l’abus de ces créations fantastiques.

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L’expression de forces vitales ou plastiques, qui prévaut généralement, sans présenter à l’esprit une idée qui puisse être nettement définie, a du moins cela de juste qu’elle exprime bien une des propriétés les plus merveilleuses et les plus certaines du principe inconnu de la vie et de l’organisation,