les éléments matériels que l’organisme s’assimile et que plus tard il abandonne ; cette force, comme chacun le sait, s’use et dépérit par son action même, jusqu’à ce que les dernières traces en aient disparu.
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Les phénomènes de la nature vivante diffèrent essentiellement des phénomènes du monde inorganique, par les liens de solidarité qui unissent harmoniquement toutes les actions vitales, toutes les parties de l’organisme et toutes les phases de ses développements. Suivant l’expression de Kant, la cause du mode d’existence de chaque partie d’un corps vivant est contenue dans le tout, tandis que, pour les masses mortes ou inertes, chaque partie la porte en elle-même. Il est bien vrai que, selon notre manière de concevoir les phénomènes physiques et les forces qui les produisent, la raison du mouvement de chaque particule réside dans les actions qu’exercent sur elle les autres particules matérielles, et c’est ainsi que nous interprétons le principe de l’inertie de la matière ; mais nous n’en admettons pas moins (et en cela nos hypothèses reçoivent la confirmation de l’expérience et du calcul) une parfaite indépendance entre les actions qui s’exercent d’une molécule à l’autre ; il y a autant d’actions distinctes et indépendantes que de combinaisons binaires entre les particules ; les effets des actions ou des forces s’ajoutent, se neutralisent, se composent ou se combinent entre eux selon des lois mathématiques ; mais les forces mêmes ne changent ni de sens, ni d’énergie, par suite du conflit ou du concert qui s’établit entre elles. Au contraire, dans l’organisme, l’action de chaque organe élémentaire ou rudiment d’organe est visiblement dirigée vers l’accomplissement d’une certaine fonction, laquelle ne peut être conçue qu’au moyen des relations de l’organe élémentaire avec tout l’ensemble de l’organisme ; et pareillement la structure de chaque partie n’est pas, comme dans la masse gazeuse ou liquide, ou même comme dans le cristal, indépendante du mode de structure des parties adjacentes, mais bien en rapport manifeste avec la structure du tout. Ce qui se dit de la coordination dans l’espace, doit se dire, avec plus de raison encore, de la coordination dans le temps. L’organisation de l’embryon et du fœtus est appropriée, non-seulement aux fonctions qu’il remplit actuellement, mais encore à celles qu’il doit remplir après des évolutions ultérieures.