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Pour prouver que les idées qui sont la base de l’édifice des mathématiques pures ont leurs types dans la nature des choses et ne sont pas des fictions de notre esprit, nous avons tiré nos inductions des corrélations qui s’observent entre les vérités abstraites des mathématiques et les lois des phénomènes naturels : les unes contenant l’explication ou la raison des autres. Mais on pourrait écarter ces inductions, considérer le système des mathématiques en lui-même, indépendamment de toute application à l’interprétation scientifique de la nature, pénétrer dans l’économie de ce système, et trouver encore des motifs suffisants de rejeter l’opinion, trop présomptueuse ou trop timide, selon laquelle l’esprit humain n’opérerait que sur les produits de sa propre fantaisie, et, comme l’a dit Vico, démontrerait les vérités géométriques parce qu’il les fait. Si cette opinion était fondée, rien ne devrait être plus aisé que de diviser le domaine des mathématiques pures en compartiments réguliers et nettement définis, ou, en d’autres termes, de soumettre le système des sciences mathématiques à une classification du genre de celles qui nous plaisent par leur régularité et leur symétrie, quand il s’agit d’idées que l’esprit humain crée de toutes pièces et peut arranger d’après ses convenances (152), sans être gêné par l’obligation de reproduire un type extérieur. Mais au contraire (et cette circonstance est bien digne de remarque), les mathématiques, sciences exactes par excellence, sont du nombre de celles où il y a le plus de vague et d’indécision dans la classification des parties, où la plupart des termes qui expriment les principales divisions se prennent, tantôt dans un sens plus large, tantôt dans un sens plus rétréci, selon le contexte du discours et les vues propres à chaque auteur, sans qu’on soit parvenu à en fixer nettement et rigoureusement l’acception dans