Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/264

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dans les signes du langage qu’une expression imparfaite, comme cela sera expliqué plus loin. L’un des caractères les plus remarquables des travaux scientifiques accomplis depuis près d’un siècle, a été cette tendance à s’éloigner de plus en plus des classifications artificielles, pour accommoder de mieux en mieux les classifications à l’expression des rapports naturels entre les objets classés, même aux dépens de la commodité pratique. En botanique, en zoologie, où les objets à classer sont si nombreux, d’organisations si complexes, susceptibles par conséquent d’être comparés sous tant de faces, ce mouvement imprimé aux travaux de classification devait se manifester d’abord : mais il a successivement gagné toutes les branches du savoir humain. Nous citions tout à l’heure des exemples pris dans l’astronomie et dans la chimie ; nous pourrions en prendre d’autres dans la linguistique, dans cette science toute récente et si digne d’intérêt, dont l’objet est de mettre en relief les affinités naturelles et les liens de parenté des idiomes : témoignages précieux de la généalogie et des alliances des races humaines, pour des temps sur lesquels l’histoire et les monuments sont muets.

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Dans les écoles philosophiques du moyen âge, à une époque où le scepticisme, contenu par la foi religieuse, ne pouvait pas plus porter sur les données fondamentales de la connaissance et de l’expérience sensible que sur les bases de la morale, c’était sur la consistance objective des idées abstraites, des conceptions rationnelles, des fictions logiques, que la dialectique devait s’épuiser. De là des controverses fameuses et des sectes sans nombre, que l’on a rangées sous trois principales rubriques, le réalisme, le nominalisme, et le conceptualisme ; quoique cette division tripartite n’ait rien de nettement tranché, et qu’elle indique seulement en gros l’existence de deux partis extrêmes et d’un parti mitoyen, susceptible de se fractionner, ainsi qu’il arrive toujours dans ces longues querelles qui divisent les hommes et qui ne cessent que par l’épuisement des partis. Certes, nous ne voulons pas reprendre après tant d’autres ce sujet stérile et épineux, parcourir encore une fois, au risque de nous y égarer avec nos lecteurs, ce dédale de subtilités et d’équivoques : mais il est bon d’en signaler