Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/306

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Si maintenant l’on conçoit une suite d’ellipses dans lesquelles ce rapport qui est une grandeur mesurable aille en variant avec continuité, elles ressembleront d’autant moins à la première qu’elles iront en s’allongeant ou en s’aplatissant davantage ; la ressemblance dépendant de la petitesse de l’écart entre la valeur fixe du rapport dans l’ellipse prise pour type, et la valeur variable de ce rapport dans la série des images, sans toutefois qu’on puisse fixer, autrement qu’en vertu d’une règle purement conventionnelle et arbitraire, une grandeur liée à cet écart par une loi mathématique, et qu’il plairait de considérer comme la mesure de la ressemblance ou de la dissemblance. À plus forte raison, si, pour imiter une courbe ovale qui ne serait pas une ellipse, qui même ne serait pas susceptible de définition géométrique, on traçait une courbe ovale ressemblant plus ou moins à la première, et dont la ressemblance comporterait des nuances sans nombre, serait-il impossible de mesurer ou d’évaluer numériquement la ressemblance : la nature même des choses, et non pas seulement l’état d’imperfection de nos théories et de nos méthodes, mettant obstacle à une telle évaluation. De même, si l’on comparait un triangle invariable à une série de triangles dans lesquels les angles et les rapports des côtés subiraient des altérations progressives et continues, il serait impossible d’assigner, sans convention arbitraire, une fonction des angles et des rapports des côtés qui fût la mesure naturelle de la ressemblance avec le type invariable.

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C’est bien autre chose s’il s’agit de la représentation d’un être animé, et de l’expression de cet indéfinissable caractère qu’on appelle physionomie. On est toujours frappé de ce fait singulier, qu’une silhouette, une image daguerrienne, un buste moulé sur la nature, peuvent offrir moins de ressemblance que le portrait dû au crayon ou au burin d’un artiste ; mais la réflexion rend bien compte de la supériorité de la traduction obtenue par l’art sur la traduction dont il semble que la nature fasse tous les frais. Par exemple, une image dessinée sur une surface plane est une projection de l’objet en relief, et il peut se faire que, dans la projection la mieux choisie, des nuances de forme presque insensibles qui caractérisent l’individualité physique