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Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/609

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RÉSUMÉ. 597

Cette idée de l’ordre et de la raison des choses ne doit pas se confondre avec l’idée de l’enchaînement des causes et des effets : car elle trouve son application dans des choses et pour des vérités qui ne dépendent pas les unes des autres de la même manière qu’un effet dépend de sa cause active ou efficiente. Ce n’est donc point par le genre d’observation et par les témoignages de conscience qui nous suggèrent les notions de cause et d’effet, qu’on peut expliquer l’idée qui est en nous de l’ordre et de la raison des choses. Cette idée est le principe même de toute philosophie, le but final et suprême de toute spéculation philosophique, ce qui caractérise éminemment l’esprit de curiosité philosophique, et ce qui donne, à des degrés divers, une empreinte philosophique à tous les travaux de la pensée, dans les choses de goût et d’imagination, comme dans celles qui sont du ressort de l’érudition et de la science.

397, — L’idée de l’ordre et de la raison des choses est surtout le fondement de la probabilité philosophique, de l’induction et de l’analogie. Assigner une loi aux phénomènes, c’est tirer d’un principe simple la raison des apparences variées et multiples qui nous frappent d’abord ; c’est mettre de l’ordre dans la confusion des apparences : en sorte que l’idée de loi, dans sa plus haute généralité, telle qu’elle a été saisie par le génie de Montesquieu au début de son immortel ouvrage, n’est encore, sous un autre aspect, que l’idée de l’ordre ou de la raison des choses. Mais quel motif avons-nous de croire à l’existence de telle loi déterminée, et d’outrepasser les conséquences immédiates de l’observation ou de l’expérience, en affirmant d’une manière générale et absolue ce que l’expérience n’a pu établir que dans des cas particuliers et d’une manière approximative ? Ce motif se tire du caractère de simplicité inhérent à la loi présumée, et de l’improbabilité que, dans la foule innombrable des combinaisons fortuites, le hasard nous eût fait tomber sur des observations susceptibles d’être reliées par une loi aussi simple, si cette loi n’avait pas une existence intrinsèque indépendante du hasard de nos observations, et si elle ne reliait pas aussi les faits de même nature que nous n’avons point observés. Le caractère de simplicité peut être si frappant, le nombre des observations peut être tel, l’approximation peut tomber entre de si étroites limites,