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Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/136

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Puis, ramassant son bâton, il continua avec une tranquille ironie :

— Mon petit, je vous ai souvent entendu pérorer au cabaret parmi vos pareils. Il paraît que la guerre est contraire à vos principes philosophiques. Ah, qu’il est beau d’être philosophe à votre âge ! Je croyais, moi, que l’une des grandes qualités de la jeunesse c’était d’être enthousiaste, exaltée, voire un peu folle… Je croyais aussi que la jeunesse aimait la liberté… Est-ce que la Liberté serait contraire à vos principes ? Oubliez-vous donc que c’est pour elle que nous luttons ? Car, cette guerre, nous ne l’avons pas cherchée, je suppose ? Nous la subissons. La Belgique se défend contre un odieux envahisseur. Que répondez-vous à cela ? Que vous vous rendez à discrétion au plus fort ? Non, vous n’allez pas sans doute jusque là. Mais vous dites : « Que les autres résistent et se battent. Moi, je m’en dispense. Je me dois à mon art ! ». En vérité, c’est admirable ! Ah ! quelle perte immense ferait le Monde si vous succombiez, le fusil à la main ! Qualis artifex pereo !

Le vagabond fit une pause. Il y avait dans l’éclair de son œil unique, dans le son âpre de sa voix quelque chose qui angoissait le jeune homme.

— Je veux être juste pourtant, reprit-il avec dérision ; est-ce une idée, mais il me semble que, chez vous, la couardise garde encore un peu de tact. Au moins, vous ne vous êtes pas encore avisé de faire des conférences, comme certains de vos amis. L’autre jour, n’ai-je pas entendu