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Page:Courouble - Le roman d'Hippolyte (La famille Kaekebroeck), 1927.djvu/68

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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

étrangère, un billet sur lequel étaient griffonnés ces mots : « Il y a des pays où la coutume ne défend pas à une femme de se déclarer la première. »

Était-ce une note oubliée par mégarde et qui, sans paraître avoir rien de juridique, pouvait à tout prendre se rattacher à l’histoire des mœurs et du droit dans certaines contrées ? Il tâchait à le croire tant il lui semblait audacieux d’interpréter un tel geste comme une avance que l’on faisait à ses propres sentiments.

Entêté à ce problème, il se perdait en conjectures et répétait en lui-même la phrase mystérieuse. En cet état de trouble, rien qui lui apparût difficile et surtout pénible comme d’amorcer la conversation avec Mlle Lauwers. Il fallait bien pourtant qu’il s’y décidât ; car une redoutable provinciale placée à sa droite, la veuve d’un brasseur du Borinage, le guettait du coin de l’œil dans l’intention manifeste de fondre sur lui dès qu’elle aurait expédié un vieux et loquace voisin. Voyant le danger, il fit un effort héroïque qui aboutit à cette banalité :

— Et vous avez fait une bonne traversée, Mademoiselle ?

À peine s’il s’était écouté lui-même, car il pensait en ce moment : « Et comment ferai-je demain ? Faut-il restituer ce billet ? Dois-je feindre plutôt d’ignorer… »

Cependant, la jeune fille répondait à sa question :