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VI

Du choix d’un instrument.

Le choix d’un instrument pouvant influer sur les progrès des élèves doit être l’objet d’un soin particulier. Il faut proscrire les Pianos usés dont les touches produisent un espèce de claquement, ou ceux dont le clavier trop facile fait résonner la note dès que le doigt l’a effleurée, ou enfin ceux dont les touches enfoncent si peu, qu’elles ne comportent pas plusieurs degrés de pression, dont le son sec n’accusant point l’inégalité du toucher peut faire contracter ce défaut à un degré où il deviendrait irremédiable, et en même tems favoriser dans les doigts la molette d’articulation. Un Piano bon pour rendre les grands effets de la musique est aussi le meilleur pour le travail : c’est celui à qui on peut beaucoup demander pour beaucoup obtenir. Ses touches fermes sans être dures, enfoncent d’autant plus qu’on les attaque davantage, et par conséquent donnent toujours la preuve de l’égalité ou de l’inégalité du toucher, c’est sur cette seule espèce de Piano que les grands artistes se trouvent à l’aise.

Position du corps.

La Position la plus commode aux habitudes du corps chez une personne bien faite est toujours la meilleure. On doit s’asseoir au milieu du clavier pour le parcourir sans peine des deux mains, et ne se placer ni trop près ni trop loin du Piano, mais à la distance nécessaire pour que le bras puisse passer facilement devant le corps dans les traits de mains croisées. Il ne faut pas que les coudes soient plus élevés que la main posée sur le clavier. L’ancienne méthode qui prescrit le contraire est vicieuse ; d’abord elle fait élever le poignet et tomber les doigts perpendiculairement comme des marteaux sur les touches, ce qui ôte à la main l’aplomb qui ne résulte que de l’appui du pouce et du cinquième doigt ; ensuite, elle empêche de diriger la main à volonté ; enfin, elle communique une dureté et un sautillement inévitables.

Les mains posées sur le clavier doivent donc être un peu plus élevées que les coudes. Ceux-ci ne seront pas serrés contre le corps, mais libres de favoriser l’extension ou le rapprochement des bras, lesquels doivent ne faire aucun autre mouvement, excepté lors que les parties se croisent soit à droite soit à gauche, ou lorsqu’on doit prendre une nouvelle position sur le clavier.

La hauteur du siège doit perte calculée de manière que les mains étant posées sur les touches, les deux parties du bras forment un angle à peu près droit, le coude étant à quelques pouces en avant de la ligne perpendiculaire qu’on tirerait de l’épaule. Il sera bon de soutenir les pieds des enfans pour que le corps ne perde pas son aplomb.

C’est ici le cas de signaler cette caricature devenue trop commune qui fait manifester l’expression par des balancemens affectés et des mouvemens ridicules. Une observation attentive nous a prouvé que lorsque le sentiment est concentré dans l’ame qui l’éprouve, l’expression en devient d’autant plus profonde et pathétique qu’on lui interdit toute manifestation extérieure autre que celle du bien jouer.