Page:Courteline - Boubouroche.djvu/145

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tout cela avait été dit avec une telle apparence de sincérité que, ma foi, je m’y étais presque laissé prendre.

Je restai donc une grande demi-heure à me retourner d’un flanc sur l’autre en me demandant ce que j’allais faire, conservant toujours dans l’oreille l’écho de la phrase de Laurianne : « Je t’avertis que dimanche prochain je passe la journée à la campagne, ce qui fait qu’Angèle sera seule », également partagé entre le désir de la femme et le désir non moins ardent de m’épargner une action dont, malgré tous mes raisonnements et mes tentatives de conciliation avec ma propre conscience, je sentais bien que je me repentirais plus tard.

Toujours la vieille histoire d’Hercule entre la vertu et la volupté.

Et, en somme, le cas était embarrassant : car, d’une part, si j’ai été créé avec la répugnance innée des petites saletés de l’espèce en question, d’autre part j’ai toujours pensé que l’homme ne pouvait rien tant regretter au monde que d’avoir manqué par sa faute la femme qu’il convoitait et qu’il eût pu avoir.