Page:Courteline - Bourbouroche. L'article 330. Lidoire. Les balances. Gros chagrins. Les Boulingrin. La conversion d'Alceste - 1893.djvu/22

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son du tout : à cette même minute où je vous parle, un intrus est sous votre toit ; il est assis en votre fauteuil familier, il chauffe les semelles de ses bottes au foyer habitué à rissoler les vôtres, et il sifflote entre ses dents l’air du Forgeron de la Paix, qu’il a appris de vous à la longue. Que vous n’en croyiez pas un mot, c’est votre droit. Pour moi, ma mission est remplie et je me retire le cœur léger, en homme qui a fait son devoir, sans faiblesse, sans haine, et sans crainte. Si les hommes apportaient dans la vie cet esprit de solidarité que savent si bien y apporter les femmes et faisaient les uns pour les autres ce que je viens de faire pour vous, le nombre des cocus n’en serait pas amoindri : mais combien serait simplifiée (et c’est là que j’en voulais venir) la question, toujours compliquée et pénible, des ruptures dont le besoin s’impose. — Monsieur, à l’honneur de vous revoir. Je vous laisse les consommations.

Il salue et sort. — Longue rêverie de Boubouroche.
Boubouroche, abattant brusquement sur la table un coup de poing.

Nom d’un tonneau !…

Amédée, qui s’est mépris et qui accourt.

Monsieur désire ?

Boubouroche.

Vous m’embêtez. Rien du tout. (À la réflexion.) Au fait, si ! Qu’est-ce que je vous dois ?

Amédée, son compte fait.

Neuf francs vingt.

Boubouroche, jetant dix francs sur la table.

Voilà. Gardez.

Amédée, stupéfait.

Merci, monsieur Boubouroche. (Suivant de l’œil la sortie étrange de Boubouroche.) Qu’est-ce qu’il y a donc ?

Boubouroche, au seuil du café.

Nom d’un tonneau !…

Il sort.