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LA PREMIÈRE LEÇON


— Tenez le guidon sans raideur ; veillez bien à ce que vos pieds ne quittent jamais la pédale, et allez carrément de l’avant !… De la confiance !… Toute l’affaire est là ! — Allez ! Je vous tiens.

Ainsi me parlait dans le dos l’auteur charmant du Mari Pacifique, mon ami Tristan Bernard, maître en l’art d’écrire le français et agrégé de vélocipède, si j’ose m’exprimer ainsi. En même temps, joignant le geste à la parole, il avait, de sa dextre robuste, empoigné, au ras de mon fond de culotte, la selle de la bicyclette, théâtre de mes premiers essais, et il en maintenait le fragile équilibre.

— Je vous tiens, répétait-il ; allez !… Nom d’un pétard ! ne lâchez donc pas la pédale !… Ne lâchez donc pas la pédale !… Mais ne lâchez donc pas la pédale !…

— C’est à elle que vous devriez dire de ne pas me lâcher, répondis-je un peu agacé, inquiet, aussi,