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Page:Courteline - Le Miroir concave, 1919.djvu/74

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Une clairière dans la forêt de Saint-Germain.

Comme horizon: une ceinture d'immobiles futaies qu'a dorées l'automne de tons de rouille.

Comme plafond: un lourd ciel pommelé où rampent des chaos de montagnes aux crêtes argentées de blanc pur.

A une centaine de pas l'un de l'autre, affectant de ne se pas voir, deux messieurs aux visages graves arpentent fiévreusement le terrain. Ils sont vêtus de noir des pieds à la tête, et, des collets dressés de leurs redingotes, ils dissimulent leurs faux-cols dont la blancheur risquerait de s'offrir comme une cible au visé de l'adversaire.

A égale distance de chacun d'eux: le groupe des témoins. Le directeur du combat -- un grand monsieur à longue barbe, de qui les mouvements de tête balancent la colonne lumineuse d'un irréprochable chapeau de soie -- bourre méthodiquement un pistolet en tenant à ses assesseurs des discours fort intéressants sans doute, mais qui s'évaporent dans le vent et dont les deux adversaires tâcheraient en vain de pénétrer le sens.


Le combattant Grenouillot, qui cause tout seul en attendant le moment de passer à de plus périlleux exercices.

Le ciel d'octobre est gris et la forêt est rousse;

L'automne se repaît de décès. -- J'ai la frousse,

Et l'angoisse en sueur glace mon front.

Un temps.

Pourquoi