Page:Courteline - Le Train de 8 h 47, 1890.djvu/115

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d’erreur, ça va gigler, gare la sauce ! » — « Y a du bon pour les grenouilles e’d’vant qu’y soit s’ment d’mi-heure d’ici ! » — « Les ceusses-là qui dévissent pour aller en voyage, risquent rien d’prendre des parapluies ! », et autres fines plaisanteries qu’ils affectaient de ne pas prendre pour eux, encore qu’ils en maronnassent sérieusement. Ils sifflaient, chantaient à tue-tête, frottaient à tour de bras le cuir de leurs basanes et n’eussent point, pour un empire, été mettre le nez à la fenêtre, crainte de trahir leur inquiétude, mais à vrai dire ils se hâtaient, terrifiés de voir leur départ arrosé, et ce pour la plus grande satisfaction de la galerie.

Le ciel leur épargna cette amertume ; de leurs bottes lustrées au pétrole et miroitantes comme des glaces, ils purent fouler un sol durci par quinze jours de sécheresse aride, et le silence désappointé qui salua leur sortie les emplit d’une allégresse triomphante. Ils n’en virent plus l’amoncellement de nuages boueux traînés par la bourrasque au-