Page:Courteline - Le Train de 8 h 47, 1890.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mes, debout, le nez aux vitres, à regarder défiler lentement les interminables trains de balast, la queue leu-leu des chariots plats chargés d’immenses madriers et des trente-deux hommes-huit chevaux. De temps en temps, dans l’encadrement d’un à-jour, une tête de vache apparaissait, l’œil louche d’inquiétude et d’ahurissement, un double fil de bave blanche balancé aux coins de la bouche, et ce spectacle grotesque jetait les deux guerriers à des transports de joie bruyante. Sur un formidable coup de tonnerre, la pluie s’était mise à tomber. Ce fut d’abord de larges gouttes mouchetant le sol d’une ondée de gros sous, puis, sans transition, un déluge, un effondrement sur la terre, d’un ciel d’ardoise aperçu de biais, comme une barre noire, entre les deux marquises de fer déployées au-dessus des quais.

Croquebol eut un hochement de tête mélancolique et il lâcha un sourd juron, flairant une vague catastrophe, l’inévitable nettoyage de toute