Page:Courteline - Le Train de 8 h 47, 1890.djvu/268

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pitoyables du sort auxquelles l’écrasement du pressoir n’eût point arraché un centime, le simple jus d’une chique de tabac trompant le martyre de leur faim grandissante, étouffant le gémissement lugubre de leurs boyaux vides, ils songèrent tout de bon à s’aller jeter à l’eau.

L’amour bien naturel de leurs peaux l’emporta.

Alors, ils imaginèrent quelque chose de tout à fait ingénieux : se lancer à la poursuite de leur argent ! remettre, coûte que coûte, la main sur le fuyard, quittes à refaire, de jour, la course folle de la nuit !

Ce fut La Guillaumette qui suggéra l’idée.

Croquebol l’approuva hautement.

Sans perdre une minute, ils se mirent en chasse, courbés en deux, assis des cuisses sur les mollets, sondant délicatement, du bout de leur index, le fond vaseux des ruisseaux, la tête balancée lentement et ramenée d’une épaule à l’autre. Leur coup d’œil promené autour d’eux était comme un coup