Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/132

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— Une grue, quoi ! avait dit Cozal atterré.

Mais l’autre l’avait convaincu, d’un brillant mouvement oratoire : fini le Louis XV ! décati, le Louis XV ! mort et enterré, le Louis XV ! Le public n’en voulait plus. L’opérette en chapeau de soie et en pantalon de couleur, là était désormais la vogue. Les récents grands succès des Bouffes l’attestaient surabondamment, et il y eût eu absurdité à lutter contre le courant en se calfeutrant dans le rococo malgré la loi et les prophètes.

Ainsi avait parlé Hamiet, riant d’aise, la prunelle visitée d’une flamme, et, devant une telle assurance, Cozal, bonne bête, avait faibli puis cédé, repris pour son compte et consolidé tant bien que mal, de quelques couplets, d’un duo et de plusieurs bons mots inédits, les ajoutés du merveilleux et redoutable Frédéric.

En sorte qu’on achevait maintenant de mettre en scène. Il était minuit moins le quart. Les artistes, exténués, accrochés depuis une grande heure par une fin d’acte impossible, tremblants d’ailleurs pour leur dernier métro, tiraient leurs montres, cachaient de la main leurs bâillements, tandis qu’Hamiet, impitoyable, s’entêtait à régler le mouvement quand même, se tuait, ainsi qu’il le disait, à essayer de se faire comprendre.

— C’est pourtant bien simple, quand le diable y serait !

Et, à lui seul, il joua toute la scène, faisant successivement Mme Brimborion :

Jean, reconduisez cet idiot…

puis, éclatant à froid, pétaradant des lèvres, singeant la mimique

de Gaubray, l’homéopathe Bougredâne :