Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/172

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Au cœur de l’essaim bourdonnant de ses conceptions et de ses rêves, Hamiet vivait en somme comme dans un harem. Ses idées lui étaient de belles filles, aux jambes nues, aux gorges dressées, aux bras blancs cerclés d’anneaux d’or. Entre tant de séductions diverses, il s’attardait savamment aux loisirs de la réflexion, quitte, son choix fait et le mouchoir jeté, à sauter sur la favorite avec des ruts de mâle sevré, la prenant, la reprenant et la reprenant encore, insatisfait et insatiable, assoiffé de possession jusqu’à l’instant fatal où un spasme dernier le jetait sur le flanc, le cerveau vidé comme une courge. Sur quoi, c’était, naturellement, l’inévitable réaction, l’incommensurable dégoût, la haine féroce et aveugle succédant sans transition aux crises passionnées de la veille. Et alors il aurait aimé qu’elles eussent, ses idées, des têtes, tellement il eût goûté de plaisir à les leur trancher de sa main !

L’écluse ouverte, le flot entra.

Ah ! le Théâtre de Dix-Heures passa un quart d’heure agréable !

Le dos au revers du rideau, le haut-de-forme chahuté sur la pente de la nuque :

— Enfin, mes enfants, voyons !… le moment est venu de dire des choses sérieuses ; nous ne sommes pas ici pour nous monter le coup et pour nous raconter des blagues. C’est tout de bon que vous croyez à cela ?

Il pouffa, tant l’hypothèse lui apparut grossière et folle.

— Mais réfléchissez donc un peu ; ça ne tient pas debout une minute !

Et avec la même éloquence, la même force persuasive qu’il avait apportée deux mois auparavant à démontrer l’excellence et le bien-fondé de son entreprise, il en démontra la niaiserie