Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/232

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ÉPONINE

Oh ! ce que j’en ai fait, c’est par pure précaution. Je craignais qu’il aurait tourné. Le temps est tellement à l’orage…

CHICHINETTE

Ah ! ça va bien ; t’en as de gaies !… À cette heure, voilà le madère qui tourne comme du fromage blanc, quand il y a de l’orage dans l’air ? (Éponine veut placer un mot) Mais ferme donc ton garde-manger ; les mouches pourraient entrer dedans.

ÉPONINE

Je…

CHICHINETTE

Ça y est ! Les v’là qui rappliquent ! Oh ! les sales bêtes, elles ont du poil aux pattes ! (Changeant de ton) Tu te payes ma physionomie, je pense. Certes, je peux le dire à voix haute: au cours de ma longue carrière, j’ai vu des gens avoir le madère à la bonne, mais pas dans ces proportions-là. Et puis, quand tu auras fini de me dévisager dans le blanc de l’œil ? Tu vas rester comme ça jusqu’à la Saint-Glinglin, avec une bouche en jeu de tonneau ? Il ne te manquerait que ça pour être belle.

ÉPONINE

Quoi, belle ? Quoi belle ? Pour mon âge, je suis déjà pas si déjetée.

CHICHINETTE

Je te crois. T’as même gardé le sourire, le rêve dans l’œil et le je-ne-sais-quoi. C’est tout à fait l’avis de Léon ; il me le disait ce matin en mettant ses chaussettes. Comme il disait : « Éponine, il y a ça de bon avec elle : elle n’en fout