Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/253

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Je la regardai.

Elle comprit.

— Oh ! dit-elle, non, non ; je ne veux pas, allons-nous-en !

Elle voulut fuir, mais je la renversai sur mon bras.

— Voyons, lui dis-je, tu es une folle. Reste ici ! Qu’est-ce que ça te fait ?

Elle se débattit, jeta un cri – un cri que j’éteignis aussitôt. Elle était sans force, impuissante.

Ce fut une résistance d’une minute, au bout de laquelle mon Laurianne avait reçu la juste récompense de son stupide entêtement.

J’appris alors d’Angèle elle-même qu’elle m’aimait depuis longtemps déjà, ce qui me surprit sans m’étonner, attendu que nous autres gens de presse nous avons toujours eu l’honneur d’arriver dans la considération des femmes immédiatement après les cabotins.

Je vous prie de croire que la constatation de ce fait est exempte de toute vanité.


IV

Nous passâmes une journée charmante dans la solitude du tête-à-tête, ou, pour mieux dire, du bouche à bouche, et nous ne revînmes à Paris qu’assez tard. Nous avions pris le dernier train du soir, un train bourré de canotiers dont les hurlements furieux nous arrivaient par les glaces baissées, mêlés au roulement du wagon. J’avais fait le voyage sans mot dire, enfoncé dans mon coin, maussade, mécontent, malade de cette triste réaction des sens qui suit l’apaisement du désir. Pourtant, je ramenai Angèle jusqu’à sa porte, où je