Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/52

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bouche. C’est Cozal par ci, c’est Cozal par là !… Je n’entends plus que ça depuis mon retour. Sérieusement, je crois qu’elle est pincée. – Tu es pincée, hein, Marthe ; ça y est ? Dis la vérité, va ; dis-la ! Dis-la donc, puisque je t’autorise.

Il la poussait par taquinerie.

Marthe, qu’il impatientait et dont ces facéties de commis- voyageur choquaient les réserves bourgeoises, le pria sèchement de finir.

— Tu m’ennuies !

Le claquement de lèvres agacé qu’elle lui jeta avec le mot eut pour effet de le mettre en joie. Sur ses dents de puissant lévrier, visiblement brossées à tour de bras, s’ouvrit, ainsi qu’une large fleur, le rire sonore de ce beau garçon. Il dit alors qu’on allait faire connaissance en buvant un verre de bière, et, tandis qu’il rouait de coups la tôle du guéridon pour avoir des sièges et des bocks, Cozal, sentant pousser en soi le germe des amitiés qui seront profondes et résistantes, songeait : « Il est rigolo. Ça a l’air d’un bon vivant ».

— Et comme ça, questionna-t-il, quand le garçon eut apporté les consommations commandées, vous voilà de retour à Paris ?

— Oui.

— C’est sur pied, votre machine ?

Il faisait allusion à l’affaire des Petites Commandites, cette entreprise dont la difficile mise au point avait, deux mois, projeté Hamiet de villes en villes, de trains en trains, de bateaux en bateaux.

Celui-ci eut le vague geste qui écarte les futilités.

— Peuh !… j’ai lâché !

— Comment, lâché ! s’écria Cozal très surpris.