Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/69

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— Ouf ! fait Marthe.

Anxieuse, à demi couchée sur le garde-fou de la fenêtre, elle l’a regardé s’enfoncer, décroître, disparaître enfin dans l’agitation de la rue.

— Louise !

La femme de chambre apparaît.

— Mon toquet de paille d’Italie, Louise, et ma jupe de serge bleue.

— Madame sort ?

— Je sors, oui, une heure.

— Le déjeuner comme d’habitude ?

— Comme d’habitude, certainement. Si par hasard monsieur était de retour avant moi, je serai ici à midi.

Ainsi parle Marthe Hamiet les dents serrées sur l’épingle de son chapeau, et qui, les mains activées à nouer derrière sa nuque les bouts flottants de sa voilette, mire ses coudes dans le cadre haut de l’armoire à glace.

— Eh bien, je me sauve.

— Madame ne prend pas son ombrelle ? Il fait un temps magnifique.

Mais Madame n’a pas entendu ; Madame déjà est loin ; Madame court chez son ami. Comme, depuis tantôt dix jours, elle ne l’a pas embrassé, elle se réjouit de l’embrasser enfin, et elle rit d’aise, à l’avance, derrière le tissu de sa voilette. Celle-ci, de tulle blanc, où s’espacent des mouches, lui colle étroitement aux joues, la défigure à la fois et la fait jolie à ravir, les yeux allongés en Chinoise, et le bout du nez troussé un peu.

Paris, le matin, au soleil, a de délicieuses allégresses, avec ses milliers de fenêtres ouvertes sur le demi-jour des