Page:Courteline - Messieurs les ronds-de-cuir, 1893.djvu/27

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de son rideau, avait déjeuné en deux temps auprès de sa fenêtre ouverte ; puis, tourmenté de l’impérieuse soif de sortir sans pardessus pour la première fois de l’année, il avait, de son pied léger, gagné la place de l’Opéra, remonté le boulevard jusqu’à la rue Drouot, le long des arbres déjà encapuchonnés de vert tendre, faisant le gros dos sous le soleil dont la bonne tiédeur lui caressait l’épaule à travers l’étoffe du vêtement.

Mais comme il revenait sur ses pas, talonné par l’heure du travail, équitablement partagé entre le sentiment du devoir et son amour du bien-être, brusquement il s’était rappelé n’avoir pas pris de café à son repas, et devant cette considération il avait imposé silence à ses scrupules.

Le ministère pouvait attendre. Aussi bien était-ce l’affaire d’une minute.

Et il s’était attablé à la terrasse du café Riche.

Le malheur est qu’une fois là, le chapeau ramené sur les yeux, le guéridon entre les genoux, Lahrier s’était trouvé bien. Il s’était senti envahi d’une grande lâcheté de tout l’être, d’un besoin de se laisser vivre, tranquillement, sans une pensée, tombé à une mollesse alanguie et bienheureuse de convalescent. Dans sa tasse emplie à ras bords un