Page:Courteline - Messieurs les ronds-de-cuir, 1893.djvu/31

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ment, pitoyablement, il avait haussé les épaules :

— Si ce n’est pas une calamité !

Son amertume s’était soudainement aigrie ; la Direction des Dons et Legs dut passer un joli quart d’heure :

— Oui, parlons-en, quelque chose de beau, la Direction des Dons et Legs. Une boîte absurde, seulement créée pour les besoins de la cause, à seule fin de donner pâture à la voracité de quelques affamés ! sans but ! sans vues ! sans une ombre de raison d’être ! à ce point qu’entre les ministres c’est la lutte continuelle à qui ne l’aura pas. Tour à tour c’est la Chancellerie qui se récuse et la renvoie à l’Instruction publique, l’Instruction publique qui se défend et la repousse sur le Commerce, le Commerce qui proteste et la refoule sur l’Intérieur, l’Intérieur qui ne veut rien savoir et la rejette sur les Finances, et ainsi jusqu’au jour où une âme charitable veut bien la prendre à sa remorque et se l’adjoindre par pitié. Enfin, une vraie comédie, une allée et venue de volant lancé de raquette en raquette !… Avec ça, pas le sou, des promesses tout le temps, un misérable budget de quelques centaines de mille francs, que la Chambre, par surcroît de bonheur,