Page:Courteline - Messieurs les ronds-de-cuir, 1893.djvu/75

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longtemps il mijotait en soi, à l’intention du père Soupe, le plan d’une blague gigantesque, et devant l’occasion qui se présentait de la placer, tout s’effaça ; il n’y eut plus rien, que l’agréable perspective de faire mousser le vieil expéditionnaire et de déchaîner ses fureurs indignées.

Le temps pressait.

Il se hâta.

Le visage barbouillé d’une couche de craie, le nez entièrement habillé d’une carapace de pains à cacheter écarlates, ses cheveux, qu’il portait longs, ramenés par là-dessus à coups de brosse et tombant en mèches éplorées sur des yeux qui se mouvaient, blancs, entre les retroussis affreux de deux sanguinolentes paupières, il vint s’accroupir près de la porte, de façon que Soupe, à son retour, restât cloué d’épouvante sur le seuil, au vu de cette face de vampire. Celui-ci, déjà, rappliquait ; on entendait le grossissement de son pas, lentement traînaillé par les dalles du couloir. Lahrier, jouissant, attendait.

La porte, enfin, s’entrebâilla. Une tête passa, un masque embroussaillé de barbe :

— Je vous demande pardon, monsieur… pour s’en aller ?