Page:Courteline - Un client sérieux, 1912.djvu/56

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Rire?... Ah! je n'ai guère le coeur à rire!...

Elle soupire longuement.

Monsieur Ledaim, étonné. --- Pourquoi?

La dame. --- Pour rien... Je me comprends... Recevez tous mes remerciements et reprenez votre liberté.

Monsieur Ledaim. --- Vous me chassez?

La dame. --- Pouvez-vous le croire? Je ne vous chasse pas; je vous renvoie, car à la fin je serais indiscrète et on n'abuse pas à ce point de la courtoisie d'un galant homme.

Monsieur Ledaim. --- En vérité? (Enlevant son pardessus.) Voilà qui tranche la question!

La dame. --- Mais...

Monsieur Ledaim. --- Vous dites des enfantillages. Vous êtes encore toute bouleversée. Je ne vous laisserai pas ainsi, seule, sans une main pour tenir la vôtre. (S'asseyant à côté d'elle.) Sans un bras pour vous y endormir. Vous avez besoin de repos.

La dame, l'écartant doucement. --- Vous êtes un enfant. Tenez-vous.

Monsieur Ledaim. --- J'étais si bien...

La dame. --- Vous allez me fâcher; prenez garde.

Monsieur Ledaim. --- Madame...

La dame. --- Soyez sage, je le veux; et ayez la complaisance de sonner pour avoir du thé. (Monsieur Ledaim s'empresse d'obéir.) J'ai les nerfs dans un état!

Monsieur Ledaim, à Bernard, qui apparaît. --- Du thé. (A part.) Ah çà mais... Ah çà mais... Voilà une aventure, ou je ne suis qu'un sot, et le diable s'en mêlera si je n'en sors paré des lauriers de la victoire. (A Bernard qui rentre, portant un plateau et des tasses.) Merci. (Il verse le thé; puis, une tasse pleine à la main, il s'approche de la dame.) Buvez!

Jeu de scène muet. La dame a pris la tasse, et elle boit en le regardant. Monsieur Ledaim est maintenant si près d'elle que, presque, ses lèvres, à lui, effleurent l'autre bord de la tasse. Brusquement, il tombe à ses genoux.

Monsieur Ledaim. --- Je vous