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Page:Courtilz de Sandras - Mémoire de Mr d’Artagnan, tome premier, 1700.djvu/207

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ſonnes de diſtinction qu’il eut pû amener à ſon ſentiment ſans ce Comte, qui s’opiniatra ſi fort à vouloir ruiner l’autorité de ſon Souverain, que le Comte de Harcourt ne ſe pût empêcher de lui dire d’y prendre bien garde, & que ſi jamais Sa Majeſté Britannique trouvoit moyen de regagner la confiance de ſes Sujets, il étoit comme impoſſible qu’il oubliât jamais l’obſtacle qu’il y auroit aporté. Bedfort lui répondit avec beaucoup de hardieſſe, & peut-être avec aſſez peu de raiſon, que quand il lui faiſoit cette menace, il égaloit aparemment le pouvoir des Rois d’Angleterre avec ceux des Rois de France en ces derniers termes ; qu’il y avoit bien à dire de l’un à l’autre, & que les Anglois étoient trop ſages pour ſouffrir jamais que leur Souverain ſe vengeât directement ou indirectement d’une perſonne qui ſe ſeroit attire ſa haine pour avoir embraſſé comme il faiſoit leurs intérêts ; que leur Nation avoit des loix ſur leſquelles il falloit que leurs Princes ſe conformaſſent, à moins que de la voir auſſi-tôt ſe déclarer contr’eux ; que c’eſt ce qui étoit toûjours arrivé toutes fois & quantes qu’ils avoient voulu entreprendre quelque choſe au-delà de leur pouvoir, & ce qui arriveroit encore à l’avenir, parce qu’il n’y avoit pas un Anglois qui ne ſçût que c’étoit en cela que dépendoit leur liberté & leur repos.

Tout ce que je viens de dire ſe ſçût tout auſſi-tôt dans la Ville, quoi que cela ſe fut paſſé tête à tête & ſecretement. Je crois que ce fut le Comte de Bedfort que prit plaiſir de le divulguer, afin de faire voir au Peuple qu’il étoit toûjours le même, & que rien n’etoit capable de le fléchir. Cependant ce qui ſe diſoit des menaces que le Comte de Harcourt lui avoit faites, ſi neanmoins on peut apeller de ce nom-là ce qu’il lui avoit dit le rendit odieux au Peuple, les Anglois ne firent non plus d’état de lui, que ſi ç’eut été un ſimple particulier. Il paſſoit tous les jours dans les ruës ſans qu’on lui donnât le moindre coup de chapeau. Un Cocher même d’un caroſſe de place,