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Page:Courtilz de Sandras - Mémoire de Mr d’Artagnan, tome premier, 1700.djvu/25

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tenir une querelle en l’honneur de ſa compagnie. D’ailleurs que comme je ſçavois qu’il avoit toûjours fait gloire de prendre le parti du Roi, au préjudice de toutes les offres avantageuſes que ſon Eminence lui avoit faites pour embraſſer ſes intérêts, j’étois bien aiſe d’avoir à combattre pour une cauſe qui n’étoit pas moins ſelon mon inclination, que ſelon la ſienne ; que je ne pouvois mieux faire pour mon coup d’eſſay, que je tâcherois de ne pas démentir la bonne opinion qu’il me témoignoit par-là de mon courage. Nous marchâmes dans cet entretien juſques en deça des Carmes où nous tournâmes par la ruë Caſſette ; nous y deſcendîmes tout du long, & ayant gagné le coin de la ruë du Colombier, nous entrâmes enſuite dans la ruë St. Pere, puis dans celle de l’Univerſité, au bout de laquelle nous devions faire nôtre combat.

Nous y trouvâmes Athos avec ſon Frere Aramis, qui ne ſçurent ce que cela vouloit dire, quand ils me virent avec lui. Ils le tirerent à part pour lui en demander la raiſon, & leur ayant répondu qu’il n’avoit pû faire autrement pour ſe tirer de l’embarras, où le jettoit le marché que je lui avois mis à la main, ils lui repliquerent qu’il avoit grand tort d’en avoir uſé de la ſorte, que je n’étois encor qu’un enfant, & que Juſſac en tireroit un avantage qui ne manqueroit pas de tourner à leur préjudices qu’il m’oppoſeroit quelque homme qui m’auroit bien-tôt expédié, & que cet homme tombant ſur eux, après cela il ſe trouveroit qu’ils ne ſeroient plus que trois contre quatre, dont il ne leur pourroit arriver que du malheur.

J’euſſe été en grande colere ſi j’euſſe ſçû ce qu’ils diſoient de moi. C’étoit en effet avoir bien méchante opinion de ma perſonne que de me croire capable d’être battu ſi facilement ; cependant comme c’étoit une choſe faite que ce que Porthos avoit fait, & qu’il n’y avoit plus de remede, ils ſe crurent obligez de faire bonne mine, comme on dit,