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Page:Courtilz de Sandras - Mémoire de Mr d’Artagnan, tome premier, 1700.djvu/50

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ce qu’il lui avoic dit. Le Roi me trouva extrémement jeune pour avoir fait ce que j’avois fait, & me parlant avec beaucoup de bonté, il dit à Mr. de Treville de me mettre Cadet dans la Compagnie de ſon beau-frere qui étoit Capitaine aux Gardes. Il s’apelloit des Eſſarts, & ce fut-là où ſe fit mon aprentiſſage dans le métier des armes. Ce Régiment étoit alors tout autre qu’il n’eſt aujourd’hui, tous les Officiers étoient gens de qualité, & l’on n’y voyoit point de gens de Robe ni de fils de Partiſan comme il s’y en voit maintenant, & même comme il en eſt tout rempli. Ce n’eſt pas que je veille dire que les premiers ſoient à mépriſer. Ils ont leur mérite tout comme les perſonnes les plus qualifiées, & s’il leur étoit deffendu de porter les armes, nous n’aurions pas eu deux Maréchaux de France que le Parlement de Paris nous a déjà donnez. Le Maréchal de Marillac, quoi qu’il ait péri malheureuſement, n’en eſt pas moins recommandable par mille honnêtes gens qui ſavent de quelle maniere arriva ſon malheur. Le Maréchal Foucaut étoit pareillement d’une Famille de Robe, quoi qu’il portât d’autres armes que n’en portent ceux qui viennent comme lui de la famille qui porte ce nom-là, ce n’étoit qu’à cauſe qu’Henri IV. les avoit changées pour un ſervice important que l’un de ces ancêtres lui avoit rendu.

Le Roi avant que de me renvoyer voulut que je lui contaſſe, non-ſeulement mes deux combats : mais encore tout ce que j’avois fait depuis l’âge de connoiſſance. Je contentai ſa curioſité, à la réſerve de ce qui m’étoit arrivé à St. Dié, que je n’eus garde de lui dire. Je trouvois qu’il y alloit un peu trop du mien, & rien ne me faiſoit ſouffrir avec patience l’affront que j’y avois reçu, que l’eſerance d’en pouvoir tirer vengeance bien-tôt. Je me fondois particulierement ſur les promeſſes que m’avoit fait Montigré de m’avertir quand Roſnay ne ſe déſiroit plus de rien, & qu’il reviendroit dans ſa Maiſon. Je trouvois même qu’il ne m’avoit pas donné de mé-