Page:Cousin - De la métaphysique d’Aristote, 1838.djvu/138

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faculté de sentir : mais chez les uns, la sensation ne produit pas la mémoire, chez les autres, elle la produit ; et c’est pour cela que ces derniers sont plus intelligents et plus capables d’apprendre que ceux qui n’ont pas la faculté de se ressouvenir. L’intelligence toute seule, sans la faculté d’apprendre, est le partage de ceux qui ne peuvent entendre les sons, comme les abeilles[1] et les autres animaux de cette espèce ; la capacité d’apprendre est propre à tous ceux qui réunissent à la mémoire le sens de l’ouïe. Il y a des espèces qui sont réduites à l’imagination[2] et à la mémoire, et qui sont peu capables d’expérience : mais la race humaine s’élève jusqu’à l’art et jusqu’au raisonnement. C’est la mémoire qui dans l’homme produit l’expérience ; car plusieurs ressouvenirs d’une même chose constituent une expérience ; aussi l’expérience paraît-elle presque semblable à la science et à l’art ; et c’est de l’expérience que l’art et la science viennent aux hommes ; car, comme le dit Polus[3], et avec raison, c’est l’expérience qui fait l’art, et l’inexpérience le hasard. L’art commence, lorsque, de plusieurs données empruntées à l’expérience, se forme une seule no-

  1. Histor. animal., IX, 40, Bekk. I, 627.
  2. De Anima, II, 3, Bekk. I. 414.
  3. Dans le Gorgias de Platon, Ed. Bekk., Part ii, vol. I, p. 6 ; trad. franç., t. III. p. 186.