Page:Couté - La Chanson d’un gas qu’a mal tourné.djvu/28

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comme ferait M. Prudhomme, qu’à distance elle m’apparaît « éminemment suggestive » ? J’ajoute volontiers que tout n’est affaire que de recul en matière d’impressions personnelles plus que de réalisations littéraires valables. Il est fort possible qu’un jeune homme, né avec le XXe siècle, se rappelle plus tard avec émotion telles chansons qu’il aura entendues lorsqu’il s’épilait la face encombrée d’énormes lunettes ; lorsqu’il aura un peu vieilli, il les enverra rejoindre les vieilles lunes où ses aînés ont déjà remisé cravate noire à triple tour et feutre à bords plats.

Lorsque Couté débarqua à Paris, la parole n’était pas qu’aux cabarets artistiques, mais on les entendait dans l’ample discours que ne cesse de prononcer la ville aux voix multiples. Ils disaient moins le bon vin que l’amour, du madrigal à l’invective naturaliste. Il y avait la Dame des Songes, un lys à la main, issue de Botticelli, et la fille aux cheveux pommadés qu’une rose rouge fait plus noirs. La coiffe sombre de l’Alsace s’effaçait devant le blanc bonnet de la Bretagne. L’amour cédait-il la place à la légende ? À des yeux ébahis le théâtre d’ombres montrait de pittoresques caravanes parmi des paysages lunaires où ne manquait que Pierrot dansant. La vie cédait-elle la place à la mort ? C’étaient les cabarets