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Page:Création, octobre 2019, 4.djvu/12

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manifestations urbaines ont donné lieu à des violences et à des morts. Or, fait notable : les morts de la mobilisation n’ont presque rien à voir avec la répression, pourtant violente, du mouvement. Ce sont pour l’essentiel des manifestants bloquant des points de passages routiers renversés par des automobilistes excédés… Il est éloquent qu’un mouvement social de cette ampleur doive l’essentiel de ses morts (certes relativement peu nombreux) à d’autres particuliers et non aux forces de l’ordre. Concernant ces dernières, le divorce avec la population, loin d’être évident dans les premiers temps (« la police avec nous ! »), semble en passe d’être consommé, même si cela a en partie à voir avec l’infiltration gauchiste dans les manifestations (mais aussi, et surtout, à de grossières bavures, relayées sur les réseaux sociaux). Les affrontements avec la police, dont il est difficile, en dehors de certains cas (tel celui de Dettinger), de discerner s’ils furent le fait de manifestants d’ultragauche/droite ou de manifestants lambda témoignent dans tous les cas d’une rupture dans laquelle la police est très loin d’être exempte de reproches. Les actes de vandalisme visant des commerces en centre-ville témoignent également d’une désocialisation croissante d’une partie de la population autant que de l’incapacité des gilets jaunes à s’organiser : la casse visant indistinctement des banques, des enseignes de multinationales et des petits commerces (ces derniers payant de toute façon indirectement le prix des violences avec leur chiffre d’affaire, quand bien même ils correspondent généralement au profil des primo-manifestants). A cela il faut ajouter les affaires d’agressions verbales visant non seulement des élus mais aussi des particuliers en fonction de leur appartenance ethnique ou de leur orientation sexuelle, qui, pour montées en épingles qu’elles soient, n’en montrent pas moins la présence dans les rangs des Gilets Jaunes de marginaux complètement dépassés par les exigences d’une mobilisation politique et les multiples fractures communautaires sévissant en France. L’échec des tentatives de convergences des luttes menées par des éléments de gauche (Ruffin) entre les gilets jaunes et les banlieues ne sont qu’un exemple supplémentaire de fracture de la société française. Ces fractures sont aussi opérantes dans les discours. Aux « fake news » s’opposent les déformations médiatiques, dans les deux cas, le complotisme populaire (autour de l’attentat de Strasbourg) s’oppose au complotisme autorisé (« Christophe Dettinger est un militant briefé par un avocat d’extrême gauche », « la Russie anime le mouvement en sous-main » etc…), le tout alimentant un climat de défiance généralisé. Ce dernier élément permet de souligner un autre phénomène dont le mouvement est révélateur : la régression culturelle généralisée de la population française. Cette régression est visible aussi bien dans le discours de certains manifestants que dans certaines réponses du pouvoir (décentraliser une partie du grand débat sur le plateau de Cyril Hanouna par exemple). L’adhésion aux thèses complotistes (quand celles-ci peuvent réellement être considérées comme telles), si elle relève d’une défiance malheureusement légitime envers les médias traditionnels, témoigne également d’une régression intellectuelle profonde et d’une forte déculturation. Le fait qu’Hanouna ait été mobilisé par le gouvernement n’est malheureusement pas qu’un hasard ou un effet du mépris de classe. C’est aussi que le public de ce dernier recoupe une bonne partie des manifestants : la France de Johnny et celle de Hanouna cohabitant sous le toit d’une même déculturation. La responsabilité de cette situation ne revient pas uniquement aux intéressés eux-mêmes. Nous n’en serions pas là sans l’existence d’un dispositif d’abêtissement et de décérébration de masse dont les ravages commencent à peine à se faire sentir mais font peser un risque non négligeable sur l’avenir de la France (d’autant plus dans une démocratie, où l’opinion des masses est censée être souveraine…). L’idiocratie n’est peut-être pas si loin alors même que la France souffre depuis plusieurs années d’une véritable fuite des cerveaux, encouragée par le manque de perspective dont souffre notre pays. Tout est lié sans qu’il soit nécessaire de l’expliquer par le complot… Où va-t-on ? Quel avenir pour la mobilisation des gilets jaunes ? Difficile de dire combien de temps elle peut encore durer. Il nous semble clair, en revanche, qu’elle va peu à peu s’estomper. Le pouvoir a profité des excès d’un mouvement dont