Aller au contenu

Page:Création, octobre 2019, 4.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les membres sont divers et incontrôlables pour verrouiller la situation : la casse et les affrontements avec la police justifient la répression lors des manifestations, et le soutien dans la population a baissé au fur et à mesure des semaines et de la répétition de scénarios violents dont on ne voyait pas l’issue venir ; la présence de manifestants marginaux trop tôt remigrés dans le monde réel et leurs excès verbaux (quenelles, insultes antisémites adressées à Alain Finkielkraut…) a permis au pouvoir politique, avec le soutien des médias, de jouer le joker moral de la « lutte contre l’antisémitisme » (et plus largement contre « la haine »), carte permettant au pouvoir de détourner l’attention du public sur un sujet très éloigné des revendications et relativement consensuel (les véritables antisémites sont en France ultra minoritaires), mais aussi carte face à laquelle les gilets jaunes auront du mal à relégitimer leur mobilisation. Enfin, la lassitude face à une absence de résultats et une certaine redondance finira par gagner ce qui reste des gilets jaunes, même si cela peut prendre du temps. Néanmoins, même si nous ne croyons pas en un grand retour à la faveur de la rentrée non plus que nous ne croyions à son refleurissement printanier ou estival, il est certain que la crise ne cessera pas avec la fin des grandes manifestations ou de l’occupation des ronds-points. Le mouvement peut reprendre à la faveur d’un scandale ou d’une nouvelle mesure impopulaire, sous une forme similaire ou non. En attendant, le jeu électoral a peu à peu repris le devant de la scène, y compris chez les gilets jaunes (certes avec le pathétique Francis Lalanne ou Philippot pour les résultats que l’on sait). Les élections de mai dernier se sont avérées décisives dans la recomposition du paysage politique français d’autant plus que le thème du Frexit a progressé dans la population à la faveur des manifestations. La mobilisation aura-t-elle profité aux candidats incarnant habituellement les marges politiques ? Le RN, constamment en tête des sondages semble en avoir profité contrairement à ses concurrents (en tête de l’élection européenne avec 23%, alors que la France insoumise (6%) a réussi à faire moins bien que LR (8%), ce qui n’est pas peu dire), d’autant plus que l’ombre d’une liste gilets jaunes divisant le vote contestataire (et bénéficiant donc in fine à LREM) s’était estompé dès que Francis Lalanne a décidé de sortir de son néant. Il ne faut pas pour autant se voiler la face. Avec sa place de second, et ses 22% la liste LREM est loin d’avoir « perdu » cette élection. Comment diable peuvent-ils être deuxième, avec 22% des voix, après les mois que la France a traversés ? Plusieurs éléments peuvent apporter un début de réponse : l’abstention, malgré tout très élevée, et dont les voix n’ont pu profiter à des partis contestataires ; la sur-mobilisation contextuelle d’un certain électorat socialement conservateur attaché au statu quo (une bonne partie de l’électorat des Républicains, ce qui explique leur piètre résultat) ; la sempiternelle mobilisation des castors voulant faire « barrage » à la haine… Mais il faut aussi voir ce résultat pour ce qu’il est : l’indice d’un échec politique des Gilets Jaunes, qui n’ont pas su transformer l’essai. Et le Roi dans tout ça ? Nous aurions pu le mettre dans les grands absents mais, contrairement aux absents évoqués, il n’était pas attendu qu’il apparaisse dans cette histoire, et lui au moins, a eu la bonne idée de se montrer, sans tapage médiatique toutefois. Nonobstant, si le comte de Paris est plus libre de ses mouvements depuis le décès de son père, nous ne pouvons pas prédire ses choix futurs. Nous évoquerons donc le roi comme principe : dans quelle mesure la monarchie peut-elle répondre aux problèmes posés par les gilets jaunes ? Que réclament les gilets jaunes ? Beaucoup ont dit qu’ils réclamaient plus d’État et moins d’impôts, ce qui est contradictoire. Mais cela est inexact. En réalité, les gilets jaunes demandent davantage de justice, c’est-à-dire : un État protecteur, et un impôt équitablement réparti, ce qui est tout sauf contradictoire (c’est sans doute le sens profond de la revendication du rétablissement de l’ISF, dont on peut discuter de la pertinence, mais qui révèle cette volonté de voir l’impôt plus justement réparti). La monarchie telle que nous la défendons répond à cet impératif de justice : - Le roi peut être d’autant plus protecteur qu’il est pleinement souverain. - Il peut aussi exiger des efforts des plus riches, auxquels il ne doit pas son élection (pourquoi faire des cadeaux fiscaux aux riches quand on ne dépend pas d’eux ?). - Une monarchie décentralisée laisserait davantage de libertés aux institutions locales, ce qui signifierait une diminution des dépenses de l’État central et par ricochet des impôts. - Les gilets jaunes veulent que le peuple soit davantage consulté ? Il pourrait l’être dans une monarchie décentralisée où n’existerait plus l’écran des partis, à travers des assemblées provinciales par exemple, ce qui impliquerait dans le même temps une plus grande proximité entre les citoyens et leurs représentants. Le roi a donc sa place dans le débat, mais il demeure absent.