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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/135

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LE SOPHA

répondit Amanzéi, elle s’étonnerait moins qu’il eût su plaire à Zéphis ; il avait des agréments, et savait feindre des vertus. Zéphis d’ailleurs ne serait pas la première femme raisonnable qui aurait eu le malheur d’aimer un fat, et Votre Majesté n’ignore pas qu’on ne voit autre chose tous les jours.

— Sans doute ! dit le Sultan ; par exemple, il a raison, l’on ne voit que cela ; au reste, ne me demandez pas pourquoi, car je n’en sais rien.

— Ce n’est pas à vous non plus que je le demande, reprit la Sultane. Ce sont des choses, qu’avec tout l’esprit que vous avez, il me paraît simple que vous ne sachiez pas. Qu’une femme raisonnable, continua-t-elle, se rende à un amour également tendre et constant ; que sûre des sentiments et de la probité d’un homme qui l’aime (si toutefois quelque chose peut jamais l’en assurer), elle se livre enfin à lui, cela ne me surprend pas ; mais qu’elle soit capable de faiblesse pour un Mazulhim, voilà ce que je ne puis comprendre !

— L’amour, répondit Amanzéi, ne serait pas ce qu’il est, si…

— Si, si, interrompit le Sultan ; allez-vous faire longtemps les beaux esprits ? Et ne vous souvient-il plus que j’ai défendu les dissertations ? Que vous importe, dites-moi, que cette Zéphis aime ce Mazulhim ; que l’une soit une