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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/164

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LE SOPHA

d’étonnement. C’est moi que vous aimez, je vous aime, et vous êtes jaloux ? Y pensez-vous bien ?

— « Ah ! Madame, répliqua-t-il d’un air pénétré, ne m’accablez point de votre colère ! Je sens tout le ridicule de mes idées ; j’en rougis moi-même. Mon esprit se refuse aux mouvements de mon cœur et les désavoue ; cependant ils m’entraînent, et tout le respect que j’ai pour vous, toute l’estime que je vous dois, n’empêchent pas que je ne sois cruellement tourmenté. La honte enfin que je me fais de mes soupçons ne les détruit point.

— « Écoutez-moi, Zâdis, lui répondit-elle d’un air majestueux, et souvenez-vous à jamais de ce que je vais vous dire. Je vous aime, je ne crains point de vous le répéter, et je vais vous donner de mes sentiments une preuve qui, pour vous, doit être sans réplique : c’est de vous pardonner vos soupçons. Peut-être pourrais-je vous dire que ce qu’il vous en a coûté pour me vaincre, et la façon dont je vis, ne devraient vous laisser aucun lieu de douter de moi, et qu’une personne de mon caractère doit inspirer de la confiance. Je devrais même mépriser vos craintes, ou m’en offenser ; mais il est plus doux pour mon cœur de vous rassurer, et mon amour veut bien descendre jusqu’à une explication.