Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
LE SOPHA

air tranquille ; je suis naturellement fort susceptible, d’amour. J’avouerai pourtant que j’ai eu plus de femmes eue je n’en ai aimé.

— « Mais voilà qui est infâme ! répliqua-t-elle ; je ne conçois pas comment on peut se vanter de cela !

— « Je ne m’en vante pas non plus, repartit-il ; je dis simplement ce qui est.

— « Je crois, dit-elle, que vous avez trompé bien des femmes.

— « J’en ai quitté quelques-unes, et n’en ai point trompé, répondit-il ; elles ne m’avaient point prié d’être constant ; par conséquent je ne leur avais pas promis de l’être ; et vous concevez bien que, quand on se prend sans conditions, on n’a d’aucun côté à se plaindre qu’on en ait violé quelqu’une.

— « Je serais curieuse au possible, dit Zulica, de savoir tout ce que vous avez fait.

— « Vous faut-il, repartit Nassès, une histoire de ma vie bien circonstanciée ? Cela serait long, et je craindrais de vous ennuyer beaucoup. Je puis cependant vous obéir sans risque, en supprimant les détails. Il y a dix ans que je suis dans le monde, j’en ai vingt-cinq, et vous êtes la trente-troisième beauté que j’ai conquise en affaire réglée.

— « Trente-trois ! s’écria-t-elle.

— « Il est pourtant vrai que je n’en ai eu que cela, répondit-il ; mais ne vous en étonnez pas ; je n’ai jamais été à la mode.