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LE SOPHA

— « Personne, répondit-elle d’un air simple. Longtemps livrée à la douleur de l’avoir perdu, je me flattais que je ne pouvais plus être sensible ; mais Mazulhim parut, et je ne me tins point parole.

— « Parbleu, s’écria-t-il, les femmes sont bien malheureuses, et bien cruellement exposées à la calomnie !

— « Cela n’est que trop vrai, dit-elle : mais à propos de quoi vous en souvenez-vous à présent ?

— « À propos de vous, repartit-il, à qui, puisqu’il faut vous le dire, on a l’injustice de donner un peu plus d’aventures que je vois que vous n’en avez eu.

— « Oh ! répondit-elle, cela ne me fâche ni ne m’étonne. Pour peu qu’une femme ne fasse pas peur, on n’imagine point qu’elle ne soit pas plus sensible qu’il ne le faudrait : et ce sont souvent les hommes qu’elle a voulu écouter le moins que le public lui donne le plus ; mais, quoi qu’il en soit, cela ne me fait rien. Ne serait-il donc pas possible de vous obliger à parler d’autres choses ?

— « Il n’est donc pas vrai que vous ayez eu tous les amants qu’on vous a donnés ? » lui demanda-t-il encore.

« Zulica ne répondit à cette nouvelle impertinence qu’en haussant les épaules.

— « Ne vous fâchez point de ce que je vous dis, continua-t-il ; si vous étiez moins