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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/88

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LE SOPHA

depuis que vous êtes dans cet âge où le sang coulant dans les veines avec moins d’impétuosité vous rend moins susceptible de désirs, sentez-vous encore ces mouvements affreux ?

— « Ils sont beaucoup moins fréquents, repartit-elle ; mais j’y suis encore sujette.

— « Je suis aussi dans le même cas, répondit-il en soupirant.

— « Mais nous sommes fous de parler comme nous faisons, dit Almaïde en rougissant, et cette conversation n’est pas faite pour nous.

— « Je doute, toutes réflexions faites, que nous devions beaucoup la craindre, répondit Moclès en souriant d’un air vain : il est bon de se défier de soi-même, mais ce serait aussi avoir trop mauvaise opinion de nous, que de nous croire si susceptibles. Je conviens que le sujet que nous traitons ramène nécessairement à de certaines idées ; mais il est bien différent de le discuter dans la vue de s’éclairer, ou dans celle de se séduire ; et nous pouvons, je crois, sans nous tromper, nous répondre de nos motifs et nous reposer sur eux de notre tranquillité. Il ne faut pas, d’ailleurs, que vous croyiez que ces sortes d’objets, si dangereux pour les gens qui vivent dans le désordre, puissent faire la même impression sur nous : par eux-mêmes ils ne sont rien ; des personnes de la vertu la plus pure sont quelquefois forcées de s’y arrêter, sans